Histoire & origine de Montaren & Saint-Médiers

Par Mireille Berthier, in la revue “Histoire et Civilisation en Uzège” n°107, 2008

Situation et site

Entre Cévennes et mer Méditerranée, Montaren & Saint-Médiers se trouve situé dans ce qu’on appelle les « Garrigues ». Il s’agit de plateaux d’altitude moyenne et de plis de faible amplitude bordant les Cévennes. L’Uzège (par rapport au reste du bas Languedoc) a la particularité qu’ils y sont orientés Est/Ouest.

A l’ère secondaire, la région a été recouverte par la mer. D’énormes dépôts de sédiments calcaires s’y sont entassés. Au Tertiaire, le soulèvement de la chaîne des Pyrénées a entraîné de profondes cassures qui ont eu pour conséquence le relèvement des Cévennes. La mer s’est engouffrée dans cet espace et a recouvert à nouveau le Languedoc : De nouveaux dépôts s’y sont accumulés alors (grès, marnes) : juste en dessous du mas de Larnac (virage sur la route D 979, on peut voir l’ancienne ligne de rivage à la différence des roches (calcaire crétacé au dessus, molasses en dessous). La mer ne se retire définitivement que vers – 7 millions d’années.

Cette brève explication géologique qu’il faut compléter par le rôle de l’érosion chimique, éolienne, pluviale, explique l’opposition entre les zones dépressionnaires, souvent inondables, mais aussi voies de passage remarquables (commerce mais aussi invasions) et les garrigues : plateaux calcaires favorables aux lessivages des sols et donc aussi aux incendies (sécheresse excessive) et aux destructions par l’homme : déboisements, passages de troupeaux…

Le village de Montaren est situé à la limite de la plaine et des plateaux. L’altitude est de 103 mètres à la mairie, 118 mètres à la tour sarrazine; la Carcarie culmine à 189 mètres et le hameau de Saint-Médiers se situe à 175 mètres (le mas de Larnac est, lui, à 179 mètres).

La commune est limitée à l’Ouest et traversée dans sa partie Sud par la rivière des Seynes et à l’Est par un ruisseau temporaire : le Rieu (affluent des Seynes). C’est l’une des 31 communes du Pays d’Uzès. Elle a aujourd’hui un peu plus de 1500 habitants et occupe une superficie de presque 1850 ha.

L’époque romaine

En l’absence de fouilles, il est impossible de fournir des renseignements précis sur la préhistoire. Toutefois, Montaren étant une commune bordée par la voie romaine des Helviens qui va de Nîmes à Alba qui suivait à peu près le tracé de l’actuelle route D979 d’Uzès à Lussan, on sait qu’à l’âge du fer, des tours jalonnaient parfois ces routes (entrepôts, places de marché…) et certains historiens y ont vu la toute première origine des « tours sarrasines ». Abandonnées après la conquête romaine, elles auraient été réutilisées au moment des invasions barbares. (Pierre Fabre, du Gardon à l’Ardèche, Lacour 1989)

La région est occupée par les Romains au 2e siècle avant J.-C. Les traces de la présence romaine à Montaren sont toutes, naturellement, le fait du hasard mais ne doivent pas surprendre. Les agriculteurs ont souvent remonté au cours des labours des morceaux d’amphores, de dolia et autres objets utilisés dans les villas qui entouraient certainement Uzès, à la limite entre l’ager : les terres cultivées en céréales et le saltus, la forêt occupée sur les basses pentes des garrigues par les vignes et les olivettes. Cela est vrai en bordure de la D979 (la voie des Helviens) Les mas qui y subsistent aujourd’hui sont tous à peu près à la même altitude (autour de 110 mètres) C’est à peu près à cette altitude que l’on construisit dans les années 1880 la gare et la maison du garde barrière de Montaren. En creusant les fondations on mit à jour deux petits monuments romains : Un autel votif portant une dédicace à Jupiter par Gallus Julius Honoratusn, ainsi qu’à un fragment de statue d’un personnage nu jusqu’aux hanches avec la partie inférieure du corps recouverte d’une draperie qui descend de l’épaule gauche (hauteur : 1 mètre). Déposés en 1880 à la mairie d’Uzès, ces deux objets ont été rapatriés en 2003 à la mairie de Montaren.

A Saint-Médiers, on a trouvé des restes de mosaïques, d’amphores, de dolia, de tuiles.

Ils ont été datés de la République romaine (donc 2e ou 1er siècle av.J.-C) et proviennent, semble-t-il, d’un petit domaine agricole.

Les témoignages actuels, en particulier le rempart nord de la tour sarrasine présentent des restes de mur romain avec le système de remplissage caractéristique* et les pierres du parement. La situation des mas, notamment de la mairie et l’aspect de celle-ci comme celui des mas les plus anciens le longe de la route de Lussan (D979) rappellent ceux des villas romaines.

* Le mortier romain : mélange de chaux éteinte et de sable additionné de brique ou tuile pilée. Il faut obtenir un mélange homogène extrêmement solide et résistant. Il permet la construction de voutes coulées beaucoup plus solides que les linteaux ou les dalles.

Les temps barbares

Au début du 5e siècle, l’Uzège échappe au passage des Vandales qui ont ravagé la vallée du Rhône. En 412, après le sac de Rome, les Wisigoths ravagent la Narbonnaise. Une fois installés en Espagne et malgré les avantages dont ils disposent, ils multiplient les incursions. C’est l’époque où les oppida sont réutilisés par des populations qui vivent très pauvrement. Au 6e siècle, l’Uzège devient franque. À la tête de l’Évêché, des évêques qui ont choisi le camp des Francs : Rovice et son neveu Firmin, puis le neveu de celui-ci, Ferréol.

Les Arabes : vers 719, l’émir Al Samba atteint le Rhône et s’empare d’Uzès qui doit verser une énorme rançon. Mais les populations supportent mieux la domination arabe que la Franque. En 738, Charles Martel en se repliant pratique la politique de la terre brulée en Uzège comme ailleurs.

En 739, Uzès, prise une nouvelle fois est pillée et brûlée. Les églises et les monastères sont détruits dont Saint-Ferréol, Saint-Génies, Saint-Eugène du val d’Eure.

Ce n’est que vers 788, que les Carolingiens (malgré les raids des Sarrasins, Vikings, Hongrois) parviennent à rétablir un semblant de paix. Pas pour longtemps, après le partage de l’empire, les désordres reprennent jusque vers 923 où l’Uzège est rattachée au marquisat de Gothie.

Curieusement, ce sont les Sarrasins qui ont le plus marqué la région : beaucoup de lieudits leur sont attribués (Roquemaure) et surtout les constructions « à la sarrasine » (opus spiccato ouvrage en arêtes où les assises des moellons sont inclinées tantôt vers la gauche, tantôt vers la droite).

A partir du 4e siècle, disparition progressive des esclaves dans les villas, remplacés par les colons attachés à la terre qui vivent sur le manse rattaché à la villa (mas). Certains de ces colons, sont des barbares « casés ».

Montaren

Il y a eu toutes sortes d’hypothèses émises sur le nom de Montaren (et elles sont parfois pittoresques : la montagne ronde !). Une délibération du conseil municipal en 1830, donne la seule version correcte (c’est d’ailleurs la même que pour Montaury à Nîmes) : Mons Arena : la montagne de sable en latin. (sable : roche sédimentaire d’origine détritique). Au 17e siècle, un quartier se nommait « la sablière » et jusqu’au 19ème siècle, les habitants de Montaren ont eu le droit d’aller gratuitement chercher le sable à la Carcarie pour leur usage personnel. Par ailleurs, en langue d’oc, les mots latins se terminant en enus ou ena ont donné la terminaison : en.

Une délibération du Conseil municipal de Montaren datée du 25 janvier 1830 déclare «..un terrain sablonneux ainsi qu’il dérive de l’étymologie même de son nom »

Saint-Médiers

Là aussi les hypothèses les plus farfelues ont fleuri. (Maurice, Médard et d’autres encore de goûts parfois divers). Le nom vient en fait de Saint Héméter (ou Emétère), soldat romain du 4e siècle après J.-C., martyrisé en Espagne avec Saint- Chelidoine (The Book of Saints, édité par les Bénédictins de Ramsgate, traduit en 1991). En langue d’oc Hémétèr a donné : Meterius puis Médier ou Médiers et en langue d’oïl : Emetery (une église et un quartier de Chusclan, sur les bords du Rhône portent le nom Saint-Emetery)

C’est en 1815 que la commune de Saint-Médiers a été intégrée à la commune de Montaren sur ordre du préfet du Gard pour insuffisance de revenus.